Rencontre avec François Mützenberg
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Enseignant de flûte à bec au Conservatoire depuis 2004, je suis également concertiste, compositeur, directeur de chœur, concepteur de programmes de concerts originaux et chargé de programmation. Je résume souvent tout cela en un seul mot : « musicien », car ces différentes facettes de mon métier se complètent et s’enrichissent mutuellement.
Par ailleurs, je suis père de deux enfants, qui sont maintenant adultes, et époux d’une danseuse-écrivain avec laquelle je vais déménager au mois d’avril à Carouge, près de Genève.
Pouvez-vous nous parler de l'atelier All'arrabbiata et de ce qui le distingue des autres ateliers ?
Depuis sa création en 2023, je co-dirige l’ensemble All’arrabbiata avec mes collègues Kerstin Fahr et Claire Anne Piguet. Cet atelier a été conçu pour offrir aux élèves jouant d’un instrument ancien au Conservatoire de Lausanne (flûte à bec et clavecin) la possibilité de participer à un ensemble qui leur est dédié. Il accueille également d’autres instrumentistes qui désirent s’initier à la musique ancienne.
La particularité de cet ensemble réside bien sûr dans la couleur sonore que lui donnent les instruments anciens, mais aussi dans la pratique d’un répertoire qui va de la Renaissance à la fin du baroque, avec quelques incursions vers la musique traditionnelle.
Quelles compétences spécifiques les élèves développent-ils dans cet atelier, en particulier en musique de chambre et dans l'interprétation de la musique ancienne ?
Chaque style musical a ses tournures, ses motifs, ses habitudes langagières, ses traditions d’interprétation et la confrontation avec la musique de la Renaissance, du pré-baroque et du haut-baroque permet aux élèves qui jouent d’un instrument moderne de se familiariser avec un vocabulaire spécifique.
Mais pour toutes et tous, la musique ancienne favorise aussi des configurations entre les voix propices au travail d’une intonation naturelle. Elle se caractérise aussi par des formes courtes, répétées, qui appellent à une instrumentation changeante, de sorte que chacune et chacun ne joue presque que des fragments. Cette caractéristique habitue l’élève à se situer comme un maillon – articulé à tous les autres – dans le déroulement de la pièce, et à être l’un des ingrédients nécessaires de la pâte sonore. Exercice d’autant plus méritoire que All’arrabbiata est un ensemble sans chef !
Pouvez-vous nous parler d'un moment marquant ou d'une expérience enrichissante que vous avez vécue avec les élèves durant l'atelier ?
Chaque année, je produis, pour l’atelier, un arrangement d’une pièce spécifiquement adapté à l’effectif des élèves inscrits. C’est très gratifiant d’observer le plaisir des élèves à jouer une partition qui leur a été personnellement destinée, qui les met en valeur avec leur instrument, et de pouvoir entendre le résultat de mon travail d’écriture. Je suis aussi heureux de constater l’impact de ces pièces sur le public, notamment en ce qui concerne la promotion de la flûte à bec – par exemple par la mise en valeur des flûtes graves qui sont moins connues. Dans cette perspective, la participation de All’arrabiata au spectacle « à la manière de Chagall » de l’année dernière a été une magnifique expérience.
Pouvez-vous partager un moment musical qui a marqué votre vie ?
Un seul ? Non. Déjà parce qu’une de mes caractéristiques est d’avoir de la peine à choisir…
Donc un petit choix dans le désordre : les premiers pas de mes enfants dans la musique ; l’interprétation par Mauricio Kagel et Jean-Luc Drouet de la « mélopée du sage » tirée d’Exotica à La Haye en 1991 ; le moment pour lequel j’ai écrit dans mon journal en 1988 : « Ce soir, concert ; c'est-à-dire faire éclore la musique dans une fureur teintée de joie et du silence des rêves. »
Ma plus belle expérience professionnelle jusqu'à présent ?
Là aussi, un petit choix :
La commande d’une composition pour baryton et piano du festival « Les Flâneries musicales » de Champéry en 2004, qui qui m’a permis de commencer à écrire le cycle « Les chants du veilleur » sur des poèmes de mon père.
L’engagement par l’ensemble 7 Sed Unum de donner le concerto RV 343 pour flautino de Vivaldi devant une église des Jésuites de Sion pleine à craquer.
Mes expériences de musicien pour la danse avec cette sensation que la musique est non seulement le véhicule d’émotions mais aussi le moteur du mouvement.
En dehors de la musique, avez-vous une passion ou un loisir qui vous tient particulièrement à cœur ?
La marche en montagne : à partir d’une certaine altitude, je suis aspiré par la pente, aiguillonné par le désir de voir ce qu’il y a plus haut, les perspectives changeantes, les petits lacs d’altitude. J’aime tout là-haut, c’est un bonheur total d’y être, mais un peu trop rare…
Pour mettre un peu de musique, pourriez-vous partager votre playlist de saison (en trois titres) ?
« Far Away Eyes », The Rolling Stones
« You Never Can Tell », Chuck Berry
« The Queen and The Soldier », Suzanne Vega